Psychologies
Survivre à la mort de son enfant
La mort d’un enfant va contre le sens même de la vie. Une terrible épreuve pour des parents qui se retrouvent désemparés, amputés d’une partie d’eux-mêmes et d’un moteur de vie. Blessés au plus profond d’eux et face à un deuil très douloureux. Comment vivre après une telle perte ?
« Tu n’es plus là où tu étais, mais tu es partout là où je suis ». Pour Fabienne, ces mots de Victor Hugo au sujet de sa fille décédée, Léopoldine, reflètent exactement ce qu’elle ressent aujourd’hui. Il y a quatre ans, son fils Florent est mort du jeu du foulard. Il avait 13 ans. « Ca a été extrêmement brutal. Nous ne savions pas qu’il y jouait. Un soir, mon mari l’a retrouvé inanimé dans sa chambre. Les secours n’ont rien pu faire. Nous étions sidérés, sous le choc, tant cela semblait irréel. Puis, nous avons réalisé que c’était vrai et là, notre monde s’est écroulé. A partir de là, vous vivez avec une chape de plomb au-dessus de la tête. Tous les matins, en vous réveillant, vous recevez un coup de poignard qui vous rappelle que votre enfant est mort. Et vous vous demandez si vous allez parvenir à la fin de la journée. »
Comme de nombreux parents qui ont perdu leur enfant, Fabienne a eu le sentiment qu’elle ne s’en remettrait jamais. « La perte d’un enfant transforme un parent à tout jamais, explique le psychiatre Christophe Fauré. Elle le blesse au plus profond de lui-même. Mais ça ne veut pas dire qu’il ne pourra pas s’en remettre. Il est possible, tout en ayant cette blessure en soi, d’un jour réinvestir sa vie, d’y trouver à nouveau du bonheur, d’avoir de nouveaux projets et éventuellement, d’autres enfants… » A condition, pour le psychiatre, d’être bien entouré et accompagné, dans ce travail de deuil difficile.
Colère et culpabilité
« Un arrachement », « une mutilation »… C’est ainsi que les parents endeuillés décrivent la perte de leur enfant. « Quand un enfant meurt, le parent se sent presque physiquement amputé d’une partie de lui-même et de toutes les projections qu’il avait investies en lui », analyse Christophe Fauré. Amputé aussi d’un moteur de vie, « d’une raison pour laquelle on se bat dans l’existence ». « J’ai passé trois mois assise sur une chaise à ne rien faire, à ne penser qu’à lui. Ma vie s’était arrêtée », raconte Pascale, qui a perdu son fils de 10 ans, suite à un accident.
« Pourquoi nous ? », « Pourquoi lui ? »… Le décès d’un enfant va dans le sens inverse de la vie et constitue, pour les parents, une terrible injustice. D’où un sentiment de colère « par rapport aux autres qui continuent leur vie de façon insouciante et par rapport aux autres parents… », poursuit le psychiatre. Et souvent, aussi, une grande culpabilité : celle de ne pas avoir su protéger son enfant. Antoine, le fils de Claire, est décédé à l’âge de 20 ans après avoir avalé un mélange de médicaments. « Mon fils n’allait pas bien, mais j’étais au Canada, et lui à Prague, où il faisait ses études. Je devais venir le voir deux semaines plus tard. Lorsque j’ai appris sa mort, je me suis sentie extrêmement coupable. Je revoyais en boucle ce que j’aurais pu faire, ce que j’aurais dû faire. Je me sentais la pire mère du monde ». A cette culpabilité peut aussi s’ajouter un sentiment de honte face au regard des autres. Comment continuer à s’accepter en tant que parent alors que son enfant est mort ?
La peur de l’oublier
« C'est dur d'apprendre à vivre sans mon fils ». Le témoignage intégral de Claire.
« Après son décès, j’étais obsédée par Florent, se souvient Fabienne. Je ne pensais qu’à lui, je ne parlais que de lui. Plus rien d’autre ne comptait. Mais comme la vie continuait, les gens ont commencé à m’en parler de moins en moins souvent. C’était horriblement dur : j’avais peur qu’ils l’oublient ». Cette crainte, les parents en deuil sont nombreux à la partager. Surtout quand leur entourage - et toute la société d’ailleurs, où la mort d’un enfant reste un sujet tabou - les enjoint « à tourner la page », « à passer à autre chose »… A faire leur deuil « assez rapidement ».
« Faire le deuil d’un enfant prend des années. Il s’agit d’apprivoiser quelque chose de monstrueux, rétorque Christophe Fauré. Et il n’est pas question d’oublier son enfant : c’est d’ailleurs fondamentalement impossible ».
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